Abolir les frais de retard pour des bibliothèques publiques plus accessibles aux familles

Les municipalités le savent depuis longtemps : les bibliothèques publiques sont des lieux d’échanges et des endroits uniques qui donnent la chance aux familles d’assister à de nombreuses activités visant à éveiller le goût de la lecture chez les enfants : heure du conte, programmes de stimulation du langage, activités parents-enfants en bibliothèque, etc.

Les municipalités savent aussi que ces initiatives de littératie familiale sont primordiales pour le développement de leur communauté. Elles soutiennent notamment des parents qui peinent parfois à rassembler les ressources nécessaires pour initier leurs enfants au plaisir de la lecture et ainsi, à leur donner la chance de commencer l’école au meilleur de leurs capacités.

Cependant, depuis le mois de mars 2020, la majorité des activités éducatives normalement offertes sur place dans les bibliothèques publiques ont dû être suspendues à cause de la crise sanitaire. Selon un sondage réalisé par l’Observatoire des tout-petits à l’automne 2020, 53 % des parents d’enfants de 0 à 5 ans utilisaient moins les services offerts par les bibliothèques en raison de la pandémie.

Considérant l’importance du rôle des bibliothèques dans le développement des enfants, surtout ceux en position de vulnérabilité, les municipalités doivent s’assurer que ces institutions deviennent encore plus accessibles pour tous. Cela s’avère d’autant plus important actuellement, alors que de nombreuses familles sont confrontées à des pertes de revenu significatives en raison de la pandémie.

D’ailleurs, en temps de pandémie comme en temps normal, il existe un moyen très concret à la portée des municipalités qui peut être mis en œuvre rapidement et générer, à court, moyen et long terme, de nombreux bénéfices : l’abolition des frais de retard dans les bibliothèques publiques.

Pour en illustrer les bienfaits, l’exemple d’une famille plus vulnérable, qui ne peut se permettre d’assumer les frais de retard, est évocateur. En général, elle choisira de ne plus fréquenter les bibliothèques publiques afin de ne pas courir le risque d’avoir à payer des frais. On peut penser aussi à tous ces parents qui ont honte de ne pas avoir payé leurs frais de retard durant des semaines et qui se résignent finalement à conserver les livres empruntés, faute de pouvoir faire face à leurs obligations. Si on s’attarde également au temps que doivent accorder les employés municipaux à la gestion complexe des multiples petites sommes recueillies par les frais de retard, il devient rapidement clair que ces frais sont des poids inutilement lourds à la fois pour les citoyens et les municipalités. 
Il faut le souligner : le coût d’un livre jamais retourné sera toujours moindre pour les institutions que le coût social engendré par les effets néfastes des frais de retard, soit priver des citoyens d’emprunter des livres ou encore d’avoir accès aux ressources et aux activités de la bibliothèque. L’abolition des frais de retard permet aux bibliothèques publiques d’assurer l’accessibilité à la lecture pour tous et de maximiser leur utilisation et leur impact au sein de la communauté québécoise.

Les municipalités qui l’ont fait : ce qu’elles ont à dire

L’abolition des frais de retard est une pratique maintes fois éprouvée, notamment dans plusieurs grandes villes au Canada et aux États-Unis. Il s’agit d’un mouvement international qui prend de l’ampleur dans le monde des bibliothèques publiques et qui fait de plus en plus son chemin au Québec. À l’heure actuelle, plus de 200 municipalités ont déjà emboîté le pas et ce nombre continue d’augmenter.

La bibliothèque de Baie-Comeau, qui fut la première au sein de la province à adopter l’abolition des frais de retard, rapportait déjà plusieurs bienfaits un an après l’implantation de cette mesure. « L’abolition des frais de retard à la bibliothèque favorise une plus grande circulation des livres, pour rendre ce lieu encore plus accueillant et inclusif », mentionne Yves Montigny, maire de la ville de Baie-Comeau. « Abolir les frais de retard en bibliothèque, c’est miser sur l’éducation, la culture et le futur de sa communauté. Avec cette mesure, on s’assure que la bibliothèque soit un lieu accueillant, démocratique », ajoute Marie Amiot, responsable, culture et bibliothèque, à la Ville de Baie-Comeau.

La Ville de Laval, qui a également aboli ses frais en décembre dernier, abonde dans le même sens. « On veut que tous les citoyens, particulièrement les familles, aient un accès à la culture ainsi qu'à la connaissance, sans restriction et l'abolition des frais est un excellent moyen d'y arriver », mentionne Aram Elagoz, conseiller municipal du district de Renaud et conseiller responsable des Bibliothèques de Laval.

De son côté, la Ville de Mont-Royal a choisi de suivre le mouvement en mai 2020. « Faire tomber ce type de barrière d’accès permet également d’établir des relations plus harmonieuses avec les citoyens en plus d’assurer un service clientèle de qualité », mentionne Philippe Roy, maire de la Ville de Mont-Royal.

Les municipalités du Québec ont tout à gagner en suivant ce mouvement qui leur permettra de démontrer aux citoyens qu’elles sont à l’écoute de leurs besoins et qu’elles demeurent au service des familles. Une bibliothèque sans frais de retard n’est pas une bibliothèque sans règle : c’est une bibliothèque plus ouverte, compréhensive et accessible pour tous.